Occupation - Libération

 

 

 

Le groupe Valentin des résistants Bigourdans défile à Tarbes

 

Des résistants dans les Hautes-Pyrénées

 

Trois périodes émergent de cet ouvrage, véritable somme sur la Résistance dans 10 départements du Midi toulousain plus les Landes : la glorification d’un monde résistant, puis, le « résistancialisme » source de controverses, enfin, l’oubli qui menace de recouvrir cette époque héroïque (1).

 

Résistance = complexité. D’un côté, une résistance civile longtemps méconnue, de l’autre, une résistance organisée et clandestine. J’ai choisi de mettre en relief des faits peu connus du grand public survenus dans les Hautes-Pyrénées. Les origines politiques et syndicales sont diverses : André Fourcade, secrétaire général de l’union départementale des syndicats et des organes de résistance divers, le lieutenant Plaud du 2e Régiment de Hussards de Tarbes qui crée plus de 50 dépôts clandestins d’armes et camoufle 1500 véhicules retirés des parcs de l’armée. Parmi les premiers réseaux, citons celui du restaurateur Gaston Hèches qui agit, des 1940, pour le compte des Anglais. Charles Rechenmann constitue un premier groupement de 100 personnes autour de Tarbes et Pau. Le capitaine de La Roche coordonne l’action des maquisards dans la région de Tarbes. De petits groupes de Francs-Tireurs et Partisans Français (FTP) s’autonomisent en 1942. Leurs dirigeants : Jean Toujas, Marcel Biard et André Chastellain recrutent dans les usines de Tarbes, Lannemezan et Bagnères-de-Bigorre. Une bonne place est réservée au Corps Franc Pommiès qui élimine l’italien Vidoni, sous-chef de la Gestapo, à Tarbes, le 31 mars 1944. Les Mouvements unis de la Résistance (MUR) sont créés par Roland Cazenave du maquis d’Omex, près de Lourdes, en septembre 1943. En avril 1944, dans son noyau actif, le Comité départemental de la Libération (CDL) comprend Pierre Cohou, un socialiste, un communiste et un syndicaliste CGT. Entre 1943 et 1944, plus d’une centaine de coups de main sont dénombrés à Tarbes, Bagnères-de-Bigorre et dans de petits villages. Les activités et les souffrances des résistants y sont relatées. Quinze d’entr’eux y ont donné leur vie. Aussi, au maquis de Payolle où 14 y périrent. Un grand livre.

1 - «La Résistance dans le Midi toulousain» - Michel Goubet - Éditions Privat - 455 pages - 2015 - 19 €.

 

 

Le bataillon de l'Armagnac

 

Les historiens de la Résistance ont longtemps ignoré l’histoire du Bataillon de l’Armagnac (1).

 

Maurice Parisot est né le 26 septembre 1899 à Bar-le-Duc (Haute-Marne). La famille lorraine du père compte plusieurs militaires et universitaires. Homme de rigueur et d’austérité, il est professeur d’université. Sa mère, née Fawtier, appartient à la gauche républicaine et a parcouru le monde. Il passera ses baccalauréats et s’engagera à 17 ans dans la Grande Guerre, en 1917. Démobilisé en 1922, il choisit l’Agriculture et la mise en valeur de la terre des grands domaines d’Afrique du Nord. C’est en Tunisie que naîtra sa fille Anne-Françoise après son mariage avec une Alsacienne, Jeanne de Place. Mobilisé en 1939, il veut combattre mais le vieux Maréchal a signé l’Armistice avec l’occupant. En juin 1941, venant d’Alger à la suite d’Henri Monnet, conseiller d’une société financière et commerciale, il est désigné pour gérer une propriété à Saint-Gô, près d’Aignan, dans le Gers. Il refuse de s’engager avec Pétain et vient en aide aux déserteurs de la Wehrmarcht, notamment les Alsaciens-Lorrains, et aux étrangers de toutes confessions dans les fermes qu’il gère. En 1942, premiers contacts avec une Résistance qui s’organise dans le Gers. Le général Jacques Lasserre se fait précis et nous entraîne dans la recherche d’hommes et de réseaux locaux sûrs tels que l’Armée secrète (AS) et les Mouvements Unis de la Résistance (MUR). Maurice Parisot veut créer un bataillon pour une action immédiate, donc militarisée, et une action différée avec l’aide de patriotes ruraux disséminés dans la campagne gersoise. Le bataillon sera regroupé à Panjas. Le 7 juin 1944, tout sera prêt pour accélérer le départ des occupants et exécuter les « collabos ». Tous les problèmes de la Résistance sont abordés : hiérarchie, argent, justice, francs-maçons, coopération avec les Britanniques et les réfugiés Espagnols. Mort accidentellement le 6 septembre 1944 sur l’aérodrome de Francazal, le Lieutenant-colonel Maurice Parisot sera honoré dans la plus grande solennité. Magnifique ouvrage.

 

1 - « Le Bataillon de l’Armagnac - La Gascogne en résistance » - Jacques Lasserre - Éditions Privat - avril 2018 - 24,50 €.

 

 

Occupation-libération des Basses-Pyrénées

 

Pour ma 300e chronique, j'ai plaisir à présenter ce livre, illustré par de nombreux documents d'époque, qui est le récit le plus complet de cette sombre période dans les Basses-Pyrénées (1).

 

Ayant appartenu aux réseaux de renseignements et passages "Combat" et "F2", l'auteur est correspondant départemental du Comité d'histoire de la Seconde guerre mondiale et, à ce titre, a obtenu l'autorisation de consulter les dossiers déposés aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, à Pau. La densité et la précision des informations recueillies par Louis Poullenot pendant des années est remarquable. Vingt-sept chapitres qui traitent de l'installation des Allemands, de la vie quotidienne à l'époque de Vichy, des réseaux de renseignement et d'évasion, de la collaboration dans son ordinaire, des réquisitions de la main-d'œuvre de 1942 à 1943, des passages et des passeurs, de la répression contre les opposants, de la Presse, de la Résistance, en 1943, puis dans ses actions et son corollaire : les coups durs, les interventions des Alliés dans les B.P, le Comité départemental de libération, l'époque du Gouvernement provisoire, les camps d'internement et de regroupement et le bilan humanitaire et matériel. Et pour lutter contre l'oubli, en annexe, la liste des déportés, la carte de la Résistance et celle de la souffrance d'Honoré Baradat - "Achille", qui avait patiemment recueilli et conservé des pièces pour l'Histoire. L'auteur est modeste. Il se défend d'être classé parmi les historiens classiques ou de formation. Certes. Mais cet ouvrage fera date pour sa sobriété et sa fiabilité. A sa lecture, les jeunes générations y puiseront une leçon d'altruisme, de courage admirable et de patriotisme sans tapage, indispensables à la survie de notre nation.

 

(1) "Basses-Pyrénées-Occupation-Libération 1940-1945» - Louis Poullenot - Éditions Atlantica - avril 2008 - 25 €.

 

 

Histoires singulières en Haut-Béarn

 

Voici trois histoires singulières de la Résistance dans le Haut-Béarn (1).

 

La première met en scène, au mois de novembre 1942, l’abbé Darrouy, curé d’Oloron-Sainte-Marie et berger d’une flopée de jeunes enfants nourris de «garbanços», attendant l’arrivée des Allemands en zone libre devenue zone occupée. Avant-garde ennemie mais conciliante ayant comme souci principal de trouver un projectionniste de cinéma afin de visionner sur grand écran les films de la propagande du IIIe Reich. Entre en scène le longiligne Goyennetche, adolescent ingérable mais fort habile dans la manipulation des mécanismes les plus réticents. La première séance à l’Hôtel de ville devenu Kommandantur, est un franc succès abondamment arrosé par la troupe qui permettra au jeune «monté trop tôt en graine» de subtiliser l’appareil neuf de l’occupant et de laisser celui du patronage éreinté par beaucoup trop de séances houleuses. La deuxième histoire relate la neutralisation du fort du Pourtalet, en haute vallée d’Aspe, occupée par une section allemande afin de permettre aux occupants de s’enfuir par l’Espagne proche, le 22 août 1944. Jean l’Ancien, hôtelier du village d’Etsaut, et Jean le Jeune, instituteur, aidés par l’intrépide Julie, vont présenter un pieux mensonge à la garnison allemande et les convaincre de se rendre car la plaine serait «envahie» par les forces F.F.I. Le stratagème marchera et, au défilé de la ville libérée, nos antihéros absents auront déjà plongé dans leurs occupations quotidiennes. Le troisième récit retrace le parcours extraordinaire d’un jeune de 18 ans, Robert Dabadie «le poète» à la carrure de rugbyman et Romuald, un compagnon de 20 ans, qui s’échapperont clandestinement du port Bordeaux pour rejoindre l’Angleterre où De Gaulle les attend. Gilbert Marestin, architecte qui a appris à manier le crayon à l’école nationale des Beaux-Arts, soutient par ses dessins une écriture précise et chatoyante.

 

(1) "Résistance en Haut-Béarn" - Gilbert Marestin - Éditions Gascogne/Éditions Marimpoey - avril 2011 - 15 €.

 

 

La Montagne des Justes

 

Cet ouvrage est un hommage à la communauté protestante cévenole (1). Tous les croyants de toutes confessions et non-croyants ont fait bloc contre les crimes nazis et, au péril de leur vie, sous l'Occupation, ont caché, protégé, sauvé par milliers tous les persécutés.

 

Yad Vashem, Mémorial des martyrs et des héros de la Shoah, a décerné la médaille du "Juste parmi les nations" à de nombreux habitants ainsi qu'à l'ensemble du Plateau Vivarais-Lignon. À Jérusalem, a été posée une stèle en hommage à la population de Chambon-sur-Lignon. Les animateurs héroïques de cette résistance non violente à l'occupant nazi sont les pasteurs André Trocmé et Édouard Theis auxquels se sont joints treize autres pasteurs ainsi que leurs ouailles dans douze paroisses du Plateau, des catholiques, des Suisses protestants, des quakers américains, des chrétiens évangéliques, des organisations juives comme l'Œuvre de secours aux enfants (OSE), la Cimade, le Secours suisse aux enfants, des non-croyants, des étudiants, des scouts, des membres de la Résistance, des fermiers, des citadins réfugiés et des gens de tous horizons. En somme, un effort œcuménique de catholiques, protestants et juifs pour un combat dramatique contre le régime de Vichy faisant de la surenchère aux propositions nazies et contre l'holocauste décidé par Hitler. "La mission d'accueil sur le Plateau, non violente et collective fut absolument sans pareille" affirme l'auteur de ce remarquable ouvrage qui ouvre nos yeux sur un fait historique tardivement connu. Les juifs résignés à leur triste sort ? Demandez à Madeleine Dreyfus, rescapée d'un camp de la mort, juive et juste, à Daniel Trocmé, martyr pour la cause des étudiants des Grillons. La présence d'Albert Camus, par hasard, dans ce secteur pour achever "La Peste"et qui ne sauva pas de juifs, paraît presque anecdotique. Un livre témoignage utile.

 

(1) "La Montagne des Justes - Le Chambon-sur-Lignon, 1940-1944" - Patrick Gérard Henry - Editions Privat - juin 2010 - 20 €.

 

La Grande guerre d'Edmond Rostand

 

Comme beaucoup d’écrivains, Edmond Rostand fut hostile à la guerre avant d’adhérer au message d’union nationale (1).

 

Le 31 juillet 1914, Edmond Rostand écrit à Raymond Poincaré, ancien avocat des gens de lettres et Président de la République : « J’estime qu’en ces heures qui vont peut-être venir, vous aurez besoin autour de vous de l’état-major de toutes les bonnes volontés; veuillez croire que j’accepterai la place la plus humble de secrétaire, certain que je suis de la remplir avec l’amour le plus passionné de la France… ». Cet extrait résume bien ce que furent les quatre dernières années de la vie du poète. Adulé des Français, cet homme malade et mélancolique, met sa plume au service du Pays. Dans la soirée, Jean Jaurès achève de dîner en compagnie de Renaudel, rédacteur de « L’Humanité ». Soudain, une vitre éclate, une main armée d’un révolver tire deux balles sur le tribun pacifiste. Raoul Villain dira qu’il a tué un traître à la Patrie. Edmond Rostand a 46 ans, Rosemonde Gérard, sa femme qui a pris un amant, 48 ans, ses deux fils : Maurice, 23 ans et Jean, 20 ans, biologiste célèbre en devenir. Le grand mérite de l’auteur, excellent biographe du poète, est de nous plonger, jour après jour, dans un milieu d’artistes, d’écrivains, d’hommes politiques en vue, pendant les quatre années d’une France qui souffre de la férocité de la guerre, qui pleure ses morts innombrables et qui espère malgré tout. Rien ne manque à ce très bel ouvrage; ni la dépression courageuse du maître, à Cambo, ni la jalousie et les intrigues d’un monde riche et frivole. Le couple Rostand va s’investir « avec détermination en apportant leur contribution dans de nombreuses missions humanitaires dans les hôpitaux militaires temporaires ». Arnaga, Bayonne et le Pays Basque sont mis en exergue. Le poète ressentira les premiers effets de la grippe espagnole, le 20 novembre 1918, avant de regagner l’Olympe, le 2 décembre. La foule à Paris et les obsèques à Marseille furent grandioses. Un ouvrage documenté écrit avec le cœur.

 

(1) «Edmond Rostand dans la Grande Guerre 1914-1918» de Michel Forrier - Éditions Gascogne - avril 2014 - 25 €.

 

Mémoire gravée

 

Lire cet ouvrage, surtout dans sa partie concentrationnaire, c’est recevoir plusieurs coups de poing à l’estomac (1).

 

Pierre Provost est né en 1895 d’un père maréchal-ferrant et d’une mère couturière. Sous l’influence de son père, Pierre quitte l’école privée pour l’école communale, laïque, en 1908. En forêt de Marly, il assiste à la fabrication de grandes roues pour les fardiers de transport des arbres abattus. Son oncle maternel, revenu d’Algérie, excelle dans le cintrage des roues d’acacia. Il a été frère-compagnon chez les Compagnons du devoir et de la Liberté. À 12 ans, certificat d’études primaires en poche, Pierre s’engage pour 3 ans, sans rémunération, dans divers ateliers de mécanique, serrurerie, chaudronnerie, charpente fer et bois. L’éducation sociale, mutualiste et philosophique inculquée exalte qualités et travail de l’homme. À 15 ans, Pierrot Bon Cœur, casquette et foulard au vent, réalise les grilles des balcons parisiens, trace les épures des poutres et des rampes du métro Opéra. En 1914, on lui demande de fabriquer des tampons pour la caserne puis on le désigne pour construire un pont et un rail pour la boucle du Niger. Il s’initie aux pratiques des forgerons des villages de là-bas. Entre les deux guerres, il devient chef d’un atelier de 140 ouvriers. En 1938, il travaille chez Hispano-Suiza et adhère à « Paix et Liberté ». Il fabrique de faux tampons pour les évadés vers l’Espagne. En 1939, il est réserviste et se fait démobiliser à Lourdes dans un régiment régulier pour rejoindre sa femme Raymonde et son fils Roger, né en 1924. En 1941, il est arrêté par la police française de Vichy, emmené au poste d’Asnières d’où il s’évade après trois jours. Mai 1943, il entre aux Francs-tireurs et partisans français. Le 27 juillet, il est arrêté avec sa femme, pour son activité et emmené au siège de la Gestapo, rue des Saussaies. Il réussit à innocenter son épouse mais il doit dévoiler le matériel qu’il a caché dans un puits de la cour, chez lui, et remettre les fausses cartes, estampillées du tampon de Lourdes. Pierre Provost est incarcéré à Fresnes « au secret, aucune lettre, aucune visite. Il est menotté la nuit » (1).

 

En octobre 1943, il est prisonnier dans la division des otages et transféré au fort de Romainville. Là, entouré de miradors et de barbelés, les otages seront fusillés. 13 octobre : Compiègne, Fronstalag 122. Pierre rencontre Max Helbronn, résistant, Auguste Ménage, bourrelier, Dominique Ghelfi, Paul Hulet, ingénieur, Adrien Wilborts, pédiatre. 17 janvier 1944 : le « grand convoi » emporte 1985 résistants, entassés par cent, dans des wagons à bestiaux, en direction de Buchenwald. Dans ce lieu, « toute expression personnelle est clandestine et périlleuse. Il peut en coûter des sévices qui défient l’imagination, la mort n’étant pas le pire ». Là où règne l’interdit, cet extrait illustre parfaitement l’activité de Pierre Provost : « J’ai fait quantité de médailles et d’objets divers, en tentant toujours de reconstituer une partie du camp. L’outillage, je l’ai allongé, trempé là-bas : une aiguille, des bouts de ferraille, d’argent, d’acier servant de pointes à tracer ou de gouges. J’ai exprimé, sous forme d’allégories, les crimes effectués d’août 44 à avril 45 ». Les gravures se font sous la surveillance et la complicité de codétenus de confiance. Les matériaux proviennent d’échanges de cigarettes, de nourriture. Pierre explique dans ses carnets les figures géométriques, motifs, styles, symboliques, d’abord dessinés. Ses médailles et plaquettes sont offertes à un ami, un groupe, une activité de résistance, quelle que soit la nationalité. La vie dans le camp est atroce : l’appel du matin, 4 heures d’attente dans le froid intense, la pluie, le travail épuisant dans la carrière de pierre où les affamés, les faibles et les malades s’écroulent… pour toujours. Le 11 avril 1944, la IIIe armée américaine sauve in extremis les derniers 2000 condamnés. Le retour et la reconnaissance par les Beaux-Arts du graveur de talent. La Croix-Rouge diffusera le briquet historié, les cartes-lettres abondent, émouvantes. Un témoignage admirable.

 

(1) « Mémoire gravée - Pierre Provost - Buchenwald 1944 - 1945 » de Gisèle Provost - Éditions Loubatières - mai 2016 - 23€.

 

Original

 

Version imprimable | Plan du site
© Claude Larronde