Bigorre - Hautes-Pyrénées
Les Hautes-Pyrénées
Mythes et lieux historiques : Pyrène, Millaris et Mulat Barbe, Victor Hugo au pied de Gavarnie et les secrets de l’univers depuis le pic du Midi de Bigorre. Les trois auteurs décrivent ce territoire improbable de 1790 composé de la Bigorre et des Quatre-Vallées : Aure, Barousse, Nestes et Magnoac que le député Bertrand Barère a su agréger au nez et à la barbe des Béarnais puis à l’imposer à la Convention (1). Plaquette d’un Office départemental en majesté, mosaïque de sites géographiques chatoyants, la terre de notre patrimoine millénaire révèle des aspects divers et variés qui vont de sa langue que l’on voudrait immortelle à la fierté gasconne d’un terroir que l’on aime en passant par l’universelle Lourdes, rendez-vous de tous les pèlerins du monde. J’ai retenu quelques aspects très particuliers. En premier, les enclaves de Bigorre en Béarn. Cinq paroisses : Luquet, Gardères, Séron, Escaunets et Villenave-près-Béarn n’ont jamais cédé aux sirènes béarnaises depuis des siècles et, malgré les souhaits préfectoraux d’annexion en 1834 et 1941, les Bigourdans encerclés ont dit NON ! Deuxième particularité : Napoléon III veut une liaison fiable Paris-Madrid ainsi que le rapprochement des stations thermales pour la fin du XIXe siècle. Il faut préciser qu’Achille Fould, ministre des Finances de la Maison de l’Empereur, l’aura beaucoup encouragé dans son projet. Les vertus des eaux sulfurées sodiques, chlorosulfurées, sulfatées, calciques, magnésiennes, ne sont plus à démontrer. Détente et bien-être… Déjà. Aussi, « là où le grandiose le dispute à l’admirable », 11 pics de plus de 3000 m, entre Gavarnie et Cauterets et la réserve naturelle du Néouvielle qui côtoie le parc national des Pyrénées, toutes les merveilles de la nature sont là avec la multitude des lacs en écrins « d’une faune et d’une flore à la richesse exceptionnelle ». Enfin, l’observatoire du Pic du Midi que la NASA a choisi pour le premier alunissage et la « star » des Hautes-Pyrénées : le cirque de Gavarnie. Ajoutons à cette magistrale présentation du pays des photos époustouflantes. Bravo !
1 - «Hautes-Pyrénées» - Pierre Challier, Sybille Chapeu, Bruno Ferret - Éditions Privat - mai 2014 - 34,50 €.
Un patrimoine éternel : la Bigorre
Ce beau livre est magistralement introduit par l'historien Jean-François Soulet (1). Le maître de la spécialité se félicite de la relative abondance des écrits sur les Pyrénées; aussi, observe-t-il le travail des quatre auteurs qui ont "privilégié l'analyse des rapports entre la nature haut-pyrénéenne et les hommes qui l'ont peuplée et qui la peuplent aujourd'hui". L'essentiel est dit.
Alain Cazenave-Piarrot et "La majestueuse Bigorre dans ses paysages et ses territoires" fait un tour d'horizon sur la haute montagne et ses piémonts, les combinaisons variées du relief et du climat, la terre des hommes et leurs territoires. Le reporter Patrice Teisseire-Dufour nous raconte "La Bigorre sacrée et religieuse", la vénération des Bigourdans pour l'eau et les pierres, les apparitions de Lourdes et tous les hameaux et chapelles consacrés à la Madone. "De bois, de roches et d'eau, ressources naturelles de Bigorre", rédigé par Gilbert Peyrot, nous fait découvrir les ressources de notre sous-sol départemental : carrières, sablières, mines et eaux thermales, plomb argentifère, zinc, fer, cuivre, ardoise, marbres, pierre à chaux, etc. Puis, "Il était une fois le Pic du Midi de Bigorre", de Jean-Christophe Sanchez, sur ce joyau heureusement restauré. Aussi : une rétrospective des découvreurs et contempteurs du Pic, une échappée légendaire sur Pyrène et Python, une description rapide des panoramas sublimes, la perception du "centimètre de la Terre" et l'infini. Quatre siècles de science et un observatoire plus que centenaire avec "un ciel étoilé à l'éclat extraordinaire" et la vie des "ermites du ciel". Enfin et surtout, les photos sublimes d'Alain Bachenis soutiennent admirablement tous ces propos de grande qualité. Si je devais n'en retenir qu'une, je choisirai La Barthe de Neste émergeant d'une brume épaisse pour faire transition aux sommets bleus et chapelets de petits nuages blancs étagés sur l'horizon. Un livre sérieux à lire et à garder.
(1) "La Bigorre - Regards sur un patrimoine" - Photos Alain Bachenis - Textes Alain Cazenave-Piarrot, Gilbert Peyrot, Jean-Christophe Sanchez, Patrice Teisseire-Dufour - Éditions Loubatières - mars 2011 - 29 €.
Regards sur un patrimoine
Née le 16 mai 1859, Thérèse Nars aurait eu une existence anonyme si le destin n’en avait décidé autrement affirme le poète et écrivain André Galicia (1). Je me souviens de ses récits, anecdotes et légendes du Sobrarbe, de Lucien Briet dans le Haut-Aragon, et de sa passion pour cette province voisine. Teresa est fille de Francisco Bernad et de Francisca Garcés, à «Casa la Miguela», au village de Revilla (Haut-Aragon). Cette commune est blottie à flanc de falaise «régulièrement brûlée par le soleil ou saccagée par de violents orages de grêle». Orpheline de mère et analphabète, Teresa est envoyée en France, à l’âge de 13 ans. Elle franchit le port de Bielsa, à pieds, accompagnée de son père. Elle entre au service d’une famille d’Ancizan puis, plus tard, gagne Saint-Lary. Malgré un physique ingrat, elle est demandée en mariage par François Nars, blessé de guerre et journalier. Devenue Thérèse Nars par la grâce de l’Etat-civil, son mari intempérant lui mène une vie impossible. Elle le quitte pour le Sénégal en compagnie de quelques Aurois. Là-bas, la terrible fièvre jaune sévit. En 1886, elle sauve un officier venant du Soudan et se dévouera corps et âme pour lutter contre ce fléau endémique. En 1900, «son dévouement se change en héroïsme». Ses remèdes, son réconfort incessant sauveront de nombreuses vies humaines. Admirée et vénérée dans toute l’Afrique, elle est «Mère Thérèse» pour tous. Elle se comporte comme un missionnaire et parcourt à cheval le Sénégal, le Soudan, la Guinée, la Casamance, la Gambie Britannique. En 1926, nouvelle épidémie. Thérèse s’installe à l’hôpital, elle a 67 ans. Elle revient en France, en 1935 et pose pour le sculpteur Miller Ranson qui réalise son buste. Elle retourne au Sénégal où elle tombe malade peu après. On la transporte à hôpital de Dakar. La médecine est impuissante. Sans une plainte, épuisée, elle quitte notre vallée de larmes entourée par ses amis fidèles. Aux obsèques, la foule est immense. Les témoignages affluent, les distinctions pleuvent. Un excellent ouvrage bilingue de découverte.
(1) "La Bigorre - Regards sur un patrimoine" - Collectif - Éditions Loubatières - mars 2011 - 29 €.
Bigorre mystérieuse
Retour sur un ouvrage ésotérique ? Non, une quête de la symbolique cachée derrière des lieux géographiques sensibles d’un territoire pyrénéen (1). Retrouver la clé d’une Horloge vibratoire de Bigorre est tout l’enjeu de la démonstration magistrale de René Descazeaux. À partir d’une recherche très documentée, l’auteur développe la « géographie mouvementée d’une montagne jeune et vivante » qui s’étend du golfe de Gascogne à la Méditerranée. Aux ères primaire et tertiaire, sont évoquées la collision et ses conséquences de la plaque ibérique avec la plaque eurasienne. La montagne « serait encore au travail, comme le montrent les innombrables sources thermales ». Les mythes fondamentaux sont abordés : Dragon géant, serpent, le choix de Pyrène, etc. L’énergie du Féminin sacré et le culte marial sont présents dans la bordure nord pyrénéenne. Les sanctuaires à Notre-Dame sont implantés sur d’anciens lieux sacrés druidiques. Les buissons épineux - aubépine, églantine - ne sont pas loin. Les manifestations de Marie ont eu lieu à Moulédous, Garaison, Nouillan, Bourisp, Ris, Héas, Médous, Pouey Laün, Lourdes, Piétat. À présent, c’est l’ordre des Templiers, établi en 1118 à Bordères-sur-l’Echez, décapité en 1312, remplacé par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem établis à Aureilhan. Premier lieu sacré, l’Escaladieu (l’Échelle-Dieu) « porte symbolique vers l’Ailleurs » avec ses huit abbayes filles. L’heure seconde de Bigorre s’ouvre alors sur la voie Ténarèze et l’odyssée de l’or ancien. Puis, les mystères des chrismes romans pyrénéens avec leurs « messages étranges et subtils ». L’énigmatique toponyme de Luz occupe des pages riches en symbolique. L’auteur, professeur d’histoire, développe l’intérêt de la cour de Versailles pour Barèges au « bout du monde ». Il surfe sur des personnages comme Ramond de Carbonnières, Joseph Balsamo et l’Affaire du collier de la Reine, la grotte de Gèdre, etc. À la 11e heure, l’oppidum de Horra-Saint-Lézer et son Castrum Bigorra sont présentés. Tout près, l’Adour, fleuve aurifère pour les Romains. Ce livre est instructif, érudit, passionnant.
1 - « Bigorre mystérieuse » - René Descazeaux - Éditions Gascogne - octobre 2017 - 20 €.
Pyrénées romanes
C'est la découverte d'un patrimoine millénaire tout au long de la chaîne des Pyrénées, sur les versants andorran, espagnol et français (1). Chacun des 1000 édifices romans présentés mériterait un arrêt commentaire. L'art roman sur les chemins de Saint-Jacques, dans les Pyrénées, est probablement le plus connu en partant sur le "camino francés" depuis Vals, en Ariège, avec son église Notre-Dame creusée dans la roche jusqu'à Estella où le palais des rois de Navarre, les églises de San Pedro de la Rua et San Miguel font miroiter leurs chapiteaux historiés et colonnes stylisées. Sur le trajet, on peut admirer l'église mystérieuse de Santa Maria de Eunate d'allure templière à la plus représentative de l'art roman navarrais, l'église de Santa Maria la Real de Sangüesa. Sur un chemin secondaire qui longe les montagnes, voici la voie du piémont pyrénéen. L'église exceptionnelle de l'Hôpital-Saint-Blaise, la cathédrale Sainte-Marie d'Oloron, l'église Saint-Pierre et Saint-Paul de Saint-Pé-de-Bigorre, l'ancienne abbaye cistercienne de l'Escaladieu à Bonnemazon méritent une visite. Plus haut, sur la voie transversale, la chapelle Notre-Dame-du-Bon-Port à Gavarnie, celle des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem à Aragnouet, puis celle de Saint-Exupère à Arreau. On compte sur les doigts d’une main les villages de montagne sans chapelle romane. Dans le Lavedan, les innombrables petites églises sont construites avec les mêmes matériaux que les maisons. La plupart, sont composées d’une abside semi-circulaire à modillons, d’un portail sculpté et surmontées d’un robuste clocher. Encore plus loin, les deux bijoux du patrimoine, la cathédrale Sainte-Marie de Saint-Bertrand-de-Comminges et la basilique Saint-Just de Valcabrère. Autre petit joyau : l'église templière de Notre-Dame-et-Saint-Laurent de Jézeau. Enfin, les deux cathédrales de Saint-Lizier et les cités hospitalières pour pèlerins de Pamiers. L'Aragon, les Pyrénées-Orientales et la Catalogne ne sont pas oubliées. Un formidable ouvrage, tant par la recherche historique que par l'excellente iconographie.
(1) "Guide des Pyrénées Romanes" - Julie Vivier, Sylvain Lapique - Éditions Privat - juillet 2011 - 24 €.
Des enclaves sans cesse disputées
Réitérées ces jours-ci, les ambitions béarnaises d'annexer les trois enclaves bigourdanes : Gardères, Luquet et Séron, ne datent pas d'aujourd'hui (1). Ces habitants des landes de Bigorre étaient fréquemment "troublés" par leurs voisins qui ne respectaient pas les traditions ancestrales de bon voisinage. À propos de cette animosité culminante, déjà, au XIIe siècle, Jean Bourdette expliquait l'origine du "Parcours réciproque" par la paissance erratique des bestiaux qui se couchaient en territoire "ennemi" pour ruminer et se reposer. Les bellicistes béarnais retenaient les animaux égarés. Des abbés laïques des enclaves portèrent le différend à Tarbes, devant la cour de Bigorre, en 1214. Gaston VI Moncade, comte de Bigorre et vicomte de Béarn, imposa raison aux belliqueux des deux camps et rappela que la pâture et l'abreuvoir étaient autorisés chez le voisin, du lever du jour jusqu'au coucher du soleil. Ces problèmes de défense de la territorialité des landes de Bigorre s'arrêtèrent-ils là ? Pas du tout. On profita de cette difficulté pour traiter aussi de la transmission des héritages et autres biens patrimoniaux dans les enclaves mais aussi dans les sept vallées de la vicomté de Lavedan, la baronnie des Angles, la baronnie de Bénac, la communauté d'Ossun et la ville de Lourdes. Les vieilles familles, les nobles et les abbés laïques des territoires placés aux marches du Pays, voyaient s'aliéner leurs biens par des passations qui transgressaient la volonté de l'héritier. Le jugement de la cour de Bigorre fut prononcé devant Arnaud Raymond de Coarraze, évêque de Tarbes, Bonel, abbé de l'Escaladieu, Gaspard de Chabannes, bour de Bénac, Thibaud des Angles, Arnaud Raymond de Castelbajac, Gaston VI, vicomte du Béarn et Pétronille, comtesse de Bigorre, sous le haut assentiment de leurs suzerains Philippe Auguste, roi de France et Jean III, roi d'Angleterre et duc de Guyenne. Ainsi, la résolution des querelles de voisinage n'aboutit pas ce jour-là mais la pérennité des coutumes de succession dans l'héritage familial pyrénéen fut assurée.
(1) "Enclavés mais libres" - Chronique de Claude Larronde du 5 janvier 2003.
Le randonneur lyrique
Rassurez-vous Jacques Verdier, «on sent dans vos écrits la sombre et douce religion de la nature» comme l’a écrit Victor Hugo (1). Ce randonneur journaliste à Midi Olympique, amoureux de la montagne, est un consultant de la chaîne RMC. J’ai beaucoup aimé ses 94 récits courts écrits dans une langue superbe. Modeste, il se défend d’être un pyrénéiste renommé. Un simple randonneur, dit-il, qui a traversé les Pyrénées, du Pays Basque à la Catalogne, avec quelques détours en Espagne. Récits forts érudits. Il relate le voyage de Stendhal aux Pyrénées, entre Bayonne et Tarbes, en avril 1838, où il note une auberge exécrable à Bayonne, la beauté de l’excellent hôtel de France, à Pau et le voyage en diligence de Pau à Tarbes aux pavés en pierres pointues, d’une durée de trois heures. Ce marcheur est sensible aux légendes du Pays Basque, du Béarn et celle de Roland, neveu de Charlemagne, attaqué par les Sarrasins au col de Ronvevaux. La roche qui se brise à Gavarnie ouvrira la Brèche de Roland. De Saint-Étienne-de-Baïgorry à Saint-Jean-Pied-de-Port, la montagne est «ronde, veloutée, imberbe» sous le soleil de juin à 37°. Le G.R 10 le conduit à Sainte-Engrâce à travers une forêt «encastrée entre deux blocs de roche, encapuchonnée par les arbres, tapissée de lianes et de racines, de ronces et d’orties qui lui donne des airs de forêt colombienne». Le col de la Pierre-Saint-Martin est noyé d’une «taie épaisse». Les sifflets multi sons, «véritable code des montagnes» l’intrigue. La forêt le fascine : «Rien de plus beau que ses passées de lumière qui traversent le bois de part en part, l’auréolent au faîte des arbres et donnent à rêver». «Odeurs d’humus, de résine, de chèvrefeuille, de framboise ou de mûre, de terre après la pluie, de bois gonflé de soleil…». Le récit vire à la poésie sylvestre. Les «floches de neige qui tombent maladroites sur des sentiers blancs». Ah ! Jacques, je vous préfère plutôt dans vos embardées lyriques sur les verts d’une vallée, Cauterets ou la veillée d’autrefois que sur le titre élogieux de la poussée d’un pack jouant à cache ballon dans les 22 adverses. Excellent livre.
1 - «Pyrénées vagabondes» - Jacques Verdier - Éditions Privat - 2018 - 16 €.