Chroniques variées

 

 

Les Juifs de Bayonne

 

Ernest Ginsburger est né le 15 avril 1876 à Héricourt dans la Haute-Saône, dans une famille d’origine alsacienne (1).

 

Emmanuel, son père, et Jeannette Boneff, sa mère, sont nés dans le Haut-Rhin. En 1784, la plupart des juifs partiront vers Paris ou vers les grandes villes américaines. Le judaïsme alsacien de la famille Ginsburger est un judaïsme rural où l’on s’applique rigoureusement les obligations religieuses. En 1872, il faut choisir : l’exil ou la nationalité allemande. Emanuel est le seul de la fratrie à quitter l’Alsace. Enfant, on le présente à une salle d’asile, ancêtre de la classe maternelle laïque fondée en 1881. Cette famille petit bourgeoise a choisi d’écarter l’école des sœurs catholiques et celle des protestants. Entrée au séminaire israélite «Talmud Tora» au Quartier latin. Refus du poste de rabbin à Dijon pour cause de…célibat. Genève l’accueille en 1908. Août 1914 : le 2e classe Ginsburger ira défendre la patrie et rejoint le 18e Corps d’armée, à Bordeaux, comme brancardier militaire avec fonction d’aumônier israélite. En 1919, il épouse Germaine Zivy ; c’est un beau mariage. En 1924, il est appelé comme grand rabbin à Bruxelles. Il arrivera à Bayonne pour les fêtes d’automne de Rosh-Haschana et Kippour, en septembre 1930. Il éblouit la communauté locale par son éloquence et sa distinction. Le Consistoire le nomme grand rabbin. Conférencier, historien, il s’attelle à l’histoire de la communauté israélite de Bayonne pour la période ante-révolutionnaire et la Révolution. Puis, une deuxième partie, sur l’activité civile et politique de la communauté depuis 1789. Les premiers juifs arrivent à partir d’octobre 1516. Chassés du Portugal et d’Espagne, 200 familles s’installent à Bayonne et à Saint-Esprit. L’auteure accompagne le travail de «bénédictin» - 680 pages - de recherches du grand rabbin sur le temple, les écoles, cimetières, conversions, processions, domestiques chrétiennes, professions, médecins, propriétaires, mœurs, délits et crimes, pont de l’Adour, commerces, chocolat, tabac, courtiers, corsaires, l’or, etc. Impressionnant !

 

1 - «Les Juifs de Bayonne» d’Ernest Ginsburger par Anne Oukhemanou -  Éditions Atlantica - mars 2018 - 26 €.

 

 

La fin du cauchemar

 

En 1918, le 11e jour du 11e mois, à 11 heures du matin, l’Armistice entrait en vigueur (1).

 

Rémy Cazals, un des tout meilleurs historiens de la Grande Guerre, présente 110 témoignages de ce jour d’armistice. Rappel de l’historique du 18e RI de Pau qui a fourni une liste de 3198 morts pendant la période 1914-1918. En un seul jour, à Allemant (Aisne), 53 morts ! Effrayant… Ce 11 novembre 1918, «il faut les imaginer dans les tranchées, ces milliers de fantassins, en compagnie  des poux et des rats, sous les obus et les torpilles, se ruant à l’assaut sous les balles de mitrailleuses». La bonne nouvelle tombe mais ils n’y croient pas. C’est une blague de plus… Forcément. L’information arrive de partout : d’un sergent, d’un capitaine, d’un copain de lutte. L’auteur a exploité les centaines de lettres écrites avec les fautes d’orthographe de Poilus sortis de l’école primaire d’avant 1914. Elles relatent ce sentiment de sidération qui a saisi les compagnies, les prisonniers de guerre, blessés, convalescents, malades, la grippe espagnole est là. Pour d’autres, direction le sud de la Russie, à Odessa, jusqu’en juillet 1919. Chronologie des combats de juillet à novembre 1918, cartes. Les témoignages des fantassins sont divers, émouvants, poignants. Cette guerre industrielle où le fusil à baïonnette est devenu dérisoire, il faudra mourir par la mitrailleuse, le canon, les gaz, les tanks ou les avions. Ce dernier jour, «le canon ne tonnera plus, ce qui est le plus essentiel». Dans les tranchées, la nouvelle a été accueillie «avec un calme impressionnant» et tranche avec la joie délirante de l’arrière. L’Autriche a capitulé, «on va vivre fiévreusement ces heures mais nous espérons que ces sales Boches se décideront à signer». Ici, les voitures et canons de l’artillerie et du génie sont décamouflés. Les journaux sont captivants pour les soldats, à l’arrière. Dans les villages martyrs, les cloches sonnent aussi à toute volée depuis 11 heures. Il faut remercier l’auteur et les Éditions Privat pour cet ouvrage de témoignages nombreux, admirables. Les Poilus sont à l’honneur pour l’éternité.

 

(1) «La fin du cauchemar - 11 novembre 1918» - Rémy Cazals - Éditions Privat - 2018 - 17 €.

 

Lieux de Béarn et Bigorre

 

Comment découvrir l’histoire du Béarn et de la Bigorre, ces pays voisins, cousins et antagonistes séculaires (1).

 

Avec Oscar Casin, conteur né, doublé d’un brillant dessinateur humoristique, dans ce deuxième volume consacré aux rues des mousquetaires, Luz en Lavedan, au monument Despourrins à Accous, au chemin de la mâture en vallée d’Aspe, à Ramond de Carbonnières, à l'avenue Bertrand Barère, à la maison Larrey à Baudéan, à la rue du comte Russell à Lourdes, à la rue Champion de Nansouty à Bagnères, etc., aux figures emblématiques de nos régions qui bénéficient d’un éclairage nouveau sinon original. Par exemple, à Pau, l’Impasse Athos est la voie n° 41 d’un lotissement. Dumas avait travesti quelque peu le patronyme qui était, en réalité, Arnaud de Sillègue, d’Athos et d’Autevielle, trois terres situées près de Sauveterre-de-Béarn. La rue Porthos est la voie n° 42. La famille possèdait le château de Lanne, petit village de la vallée de Barétous, près d’Oloron. L’impasse Aramis, voie n° 43, rappelle Henri d’Aramis, abbé laïque du bourg d’Aramis, situé près de Lanne et tragiquement détruit par le tremblement de terre d’Arette, en 1967. Et la voie d’Artagnan, alors ? Elle est bien là et porte le n° 44. Né à Lupiac, dans le Gers, en 1611, il s’appelle Charles de Batz et porte le nom de sa mère, fille du seigneur d’Artagnan, pour mieux se distinguer de ses nombreux cousins. Et ce n’est pas fini, vous trouverez, pour prolonger le rêve, l’impasse Constance Bonacieux, la rue des Ferrets, la rue Buckingham, celui qui, avec la reine Anne d’Autriche… Oui, oui, c’est lui ! Sous des airs de légèreté, ce petit ouvrage, délicieusement illustré, est un vrai condensé de culture et j’ai éprouvé un grand plaisir à le lire.

 

(1) "Petite histoire de Béarn et Bigorre à travers quelques noms de lieux de ces pays" - Livre 2 - Oscar Casin - Editions PyréMonde - juillet 2007 - 15,95 €.

 

Un pays souverain

 

Ce premier tome retrace les origines obscures et modestes de la vicomté en passant par l'union personnelle avec le comté de Foix et le rêve, presque réalisé, d'un état pyrénéen avec Gaston Fébus, au XIVe siècle (1).

 

Au siècle suivant, c'est la réalisation fugace d'un état navarro-béarnais avec un lent cheminement de la souveraineté du pays de Béarn entre Pyrénées, Gascogne et France. En somme, pour ce premier volet, il s'agissait, pour les deux professeurs de l'université de Pau, de cerner la partie historique assez ardue des origines du Béarn à Henri III de Navarre, futur Henri IV. Englobés dans le vaste duché de Gascogne uni au comté de Poitou, les Pays de l'Adour vont se fragmenter, aux IXe et Xe siècles, en une quinzaine de fiefs, à partir de 928. La vicomté est bien petite, alors, avec sa dizaine de cantons situés au nord-est du Béarn. Le seigneur réside à Morlàas peu éloigné de la cité épiscopale de Lescar. Ce morcellement ne doit pas étonner, affirment les auteurs, « il est le reflet de cette mosaïque de peuplades constituant le substrat ethnique du bassin de l'Adour ». Il est vrai que les Romains eurent bien du mal à imposer leur présence et leurs lois à ce pays qualifié de Novempopulanie. Pour atteindre la dimension d'aujourd'hui, il manquait les vallées de Barétous, Aspe et Ossau, la vallée du gave d'Oloron jusqu'à Sauveterre, les basses terres d'entre les gaves de Salies à Orthez et les landes du Montanérès. La future principauté de Béarn sera constituée par deux méthodes : les mariages et la guerre. Le vicomte Centulle IV le Vieux (1022-1058) pratiquera l'une et l'autre et tracera la voie à ses successeurs. Un ouvrage passionnant. Vivement la sortie des deux prochains tomes.

 

(1) "Histoire générale du pays souverain de Béarn - Tome I » - Christian Desplat et Pierre Tucoo-Chala - Éditions PyréMonde - mars 2008 - 24,95 €.

 

La petite histoire de Pau

 

Trois périodes bien distinctes : la cité seigneuriale et royale avec son château primitif, l'ombre tutélaire du grand Gaston Fébus puis des princes de Béarn devenus rois de Navarre (1).

 

Louis XIII qui annexe le Béarn à la Couronne de France mais qui, en créant le parlement de Navarre, en fait une ville de noblesse de robe qui l'entraînera dans la Révolution et le renoncement à ses fors. Après le passage des anglais, au début du XIXe siècle, la foule des "Étrangers de distinction" vient profiter du climat favorable du Béarn et des Pyrénées et lui donner sa physionomie moderne. Une première monographie de la ville de Raymond Ritter, publiée en 1933, est accueillie avec curiosité et satisfaction. A côté du célèbre château construit comme le "gardien vigilant des voies de transhumance et des routes commerciales qui vont de la montagne aux plaines gasconnes", s'établit une bourgade enserrée par le château à l'ouest, par la vallée du Gave et de l'Ousse au sud, par celle du Hédas au nord, elle ne pourra longtemps se développer que sur l'étroit espace que celles-ci délimitent au long des deux routes qui la relient vers l'est, à Morlàas et à la plaine nayaise. La résidence des vicomtes de Béarn est vivante et les fêtes données à la cour sont somptueuses jusqu'à ce que son roi Henri, devenu roi de France, en fasse disparaître le faste. Après la Révolution, on assiste à une belle expansion de la ville cosmopolite, climatique et sportive. Peu de grands événements politiques ou militaires si ce n'est le passage sans dommages des armées alliées à Wellington, en 1814, pas de tragiques mutilations pendant les années sombres de 1940-1944, une ville heureuse en somme. Un ouvrage documenté et agréable à lire.

 

(1) "Petite histoire de Pau - Des origines au début du XXe siècle» - Dr A. Saupiquet - Éditions Princi Negue - juillet 2004 - 19,95 €.

 

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© Claude Larronde