Personnalités

hispaniques

 

 

Iván Fandiño : le matador Basque

 

L’histoire d’Iván Fandiño, c’est l’union d’un matador et d’un apoderado (impresario) idéalistes. Deux personnalités éprises d’indépendance, issues, toutes deux, de racines modestes, qui ont réussi à faire trembler le système archaïque de la Fiesta (1).

 

Néstor Garcia a voulu rendre compte d’une aventure humaine dans « l’univers déraisonnable, diabolique et lumineux » de la corrida. On pourrait croire que cet ouvrage est destiné aux aficionados. Il n’en est rien, ce récit suit une dramaturgie qui devrait séduire de nombreux lecteurs. Après une novillada un peu manquée - il a raté son estocade - il se promet d’enlever son habit de lumière, définitivement. Et à présent, que va-t-il faire ? La rencontre d’un gamin grassouillet, doté de peu de technique mais d’un courage hors du commun, va changer sa vie. Il a fréquenté de grandes écoles de tauromachie mais personne ne s’est intéressé à lui. Il est désespéré. Discussion de plusieurs heures sur les toros, les toreros et le toreo. Néstor est séduit par la farouche volonté de devenir toréador d’Iván Fandiño, né à Orduña (Biscaye), le 29 septembre 1980, qui lui demande d’être son apoderado. Néstor pose des conditions draconiennes acceptées aussitôt par le gamin ému. Poignée de main pour sceller le pacte. Suit le récit de la trajectoire de ce couple formé par un apprenti matador et un impresario sans expérience dont l’objectif commun est identique : liberté, indépendance, jamais de compromission… avec personne ! Entraînements quotidiens, intenses. À Néstor, la gestion des patrons tout-puissants de ganaderias, des directeurs de plazas, de l’empressa ; à Iván le toreo sincère, dangereux, où l’on joue sa vie à chaque fois. Les pages consacrées à la carrière de Fandiño qui atteint le sommet, les trophées, les sorties par la grande porte, sont d’une rare vérité. Les dessous d’une « cosa nostra » taurine sont analysés ainsi que la vie quotidienne des familles qui soutiennent les protagonistes. Iván Fandiño est mort d’une corne meurtrière à Aire-sur-l’Adour, le 17 juin 2017. Un beau livre sur la corrida et son environnement.

 

(1) - « IVÁN FANDIÑO - Demain je serai libre » de Néstor Garcia - Éditions Atlantica - juin 2018 - 22 €.

 

Conchita Cintrón : la Déesse blonde

 

Conchita Cintrón est née au Chili à Antofagasta, le 8 août 1922, d’un père Portoricain, Francisco Cintrón Ramos, diplômé de l’Académie militaire de West Point et d’une mère américano-irlandaise Loyola Verrill. Péruvienne d’adoption, la petite Consuelo Concepción dite Conchita, parfaitement bilingue (espagnol-anglais), n’aura que peu de goût pour les études. Pour elle, l’équitation est une vraie passion. Elle monte à cheval à 3 ans. À 7 ans, le jour de sa première communion, un ami de la famille lui offre un poney. Heureuse ! Mais pour être une bonne cavalière, il faut apprendre. Elle rencontre Ruy da Cámara, un élégant cavalier qui fait danser un magnifique cheval. Cet aristocrate portugais, exilé politique au Pérou, rejoneador réputé, va éduquer la jeune Conchita et, un jour, il lui apprend qu’un festival taurin aura lieu à la Plaza de Acho, à Lima. Elle y posera plusieurs harpons à 2 novillos (toros de 2 à 3 ans). Elle a 14 ans et une intrépidité incroyable. À 16 ans, elle réalise des faenas extraordinaires et maîtrise parfaitement l’art du Rejoneo (toreo à cheval). Bientôt, elle mettra pied à terre et dominera avec cape et muleta le dernier tercio. Enfin, son œil expert et son poignet de fer feront d’elle l’idole des aficionados éblouis par tant de sûreté à l’instant décisif. Sous la férule de son mentor, la future « Déesse blonde » mettra à ses pieds le public connaisseur des pays d’Amérique du Sud : Chili, Pérou, Vénézuela, Équateur, Mexique et d’Europe : France et Portugal. Seule l’Espagne, par tradition dépassée, lui interdira le combat à pied. Des trophées, récompenses multiples, lui seront décernés. À 29 ans, l’élégante aux yeux bleus clairs, a le coup de foudre pour Francisco de Castelo Branco. Ils se marient en 1951, à Lisbonne. Toute la planète taurine lui offrira des cadeaux. Six enfants plus tard, elle remonte sur ses beaux chevaux, jusqu’au 17 février 2009, où une crise cardiaque l’emporte. Pierre Nabonne, le tarbais, doit être félicité pour son travail d’enquête fouillée, l’ampleur d’un récit empli d’émotion et de témoignages remarquables.

 

(1) - « Conchita Cintrón - L’Insoumise » de Pierre Nabonne - Éditions Gascogne - septembre 2018 - 18 €.

 

Le Che et l'homme nouveau

 

Enfin un livre sur le Che, sur la pensée et la pratique d’Ernesto Guevara, loin du Che désincarné, vidé d’idéologie, doux rêveur, marchandisé, sanctifié. Le Che, un intellectuel, un penseur, un révolutionnaire (1).

 

Enfin un livre sur la pensée marxiste hétérodoxe, parfois « hérétique », vivante, d’un homme pour qui il n’y a pas de politique sans éthique. Plus de trente ans avant l’altermondialisme, le Che cherche une autre conception de l’économie et de la politique, de leurs relations, vers un horizon communiste émancipateur et la visée d’un « homme nouveau ». Voilà pourquoi le prestige de Ernesto, Che, Guevara, reste intact. Cet ouvrage collectif, coodonné par Jean Ortiz, recueille les interventions d’une vingtaine de spécialistes latino-américains et européens, réunis à Pau, en avril 2007, pour le colloque « L’éthique dans la pensée et la pratique de Ernesto, Che, Guevara ». Dans la diversité de leurs approches, de leurs sensibilités, les participants réfléchissent sur une pensée communiste en évolution, en recherche, qui se transforme. L’air du temps « libéral » respire le cynisme, la lâcheté, le calcul égoïste, le reniement, le culte du fric, de l’individualisme. L’héroïsme, la grandeur, l’engagement révolutionnaire, deviennent « mystification », « archaïsme » et « imposture » criminogènes. Voilà pourquoi Ernesto Che Guevara, ce « produit » de la Révolution cubaine, reste insupportable aux " maîtres du monde ». C’est par cette introduction que l’auteur nous invite à une « révolte » sur le séisme économique vécu par l’Amérique latine victime de l’euphorie libérale et la critique du capitalisme. Malgré sa domination planétaire, des millions d’hommes n’ont pas renoncé à l’utopie concrète d’un « homme nouveau ». Un ouvrage collectif qui vaut le détour.

 

(1) « Che plus que jamais» - Jean Ortiz - Éditions Atlantica - septembre 2007 - 25 €.

 

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© Claude Larronde