Monde religieux

 

 

 

L'abbé Cestac - Une vocation

 

L’historien Yves Chiron a eu le grand mérite de rédiger ce parcours héroïque de l’abbé Louis-Édouard Cestac et de l’édification de son œuvre charitable dans un XIXe siècle marqué par les guerres napoléoniennes, les révolutions de 1830 et 1848 et l’arrivée de Napoléon III que l’abbé fréquenta (1).

 

Une riche documentation est puisée, principalement, chez les Servantes de Marie de Notre-Dame du Refuge d’Anglet. Louis-Édouard Cestac, né à Bayonne le 6 janvier 1801, a une origine bigourdane par son père Dominique, né à Sarriac-Bigorre d’une famille d’agriculteurs. D’abord, ce père appelé par le grand large, reviendra au pays après moults voyages et apprendra la médecine et la chirurgie auprès d’Abadie, ancien chirurgien des armées du Roi. Nommé à Bayonne, port de grand trafic, ville de garnison et de commerce, la ville compte alors 13000 habitants. Il épouse Jeanne Amitessarobe en 1795 et auront trois enfants. Premier baptisé pour la réouverture de la Cathédrale, après la Révolution, le petit Louis-Édouard est amené par sa mère au sanctuaire de  Saint-Bernard, rive droite de l’Adour, où est vénérée une statue de la Vierge sculptée en 1507. Sa vocation est née. Il apprend à lire une « Vie des saints » avant d’aller à l’école. L’hiver 1814, Wellington fait le siège de la ville. La famille est partie à Sarriac et le jeune Cestac à Puntous, chez l’abbé Dastugues, puis à Artagnan, en vacances, chez sa grande sœur Marianne, en 1818. Élève de l’école Saint-Léon de Bayonne, il y côtoie Michel Garicoïts qui fondera les prêtres du Sacré-Cœur de Bétharram. Séminariste au Petit Séminaire d’Aire-sur-l’Adour en 1816, il entre au Grand Séminaire de Bayonne en 1919, poursuit ses études à Saint-Sulpice à Paris où il rencontre des maîtres spirituels. Retour au Petit Séminaire de Larressore, en janvier 1822 où, pendant dix ans, il exerce différentes fonctions : économe, professeur de mathématiques et de musique. Il joue admirablement du violon. En juin 1825, il est ordonné diacre en l’église Saint-Pierre d’Orthez. À Larressore, on lui confie l’enseignement  de la philosophie. À suivre…

 

(1) « Louis-Édouard Cestac » - Yves Chiron - Biographie - Éditions Artège - avril 2012 - 18,90 €.

 

L'abbé Cestac - Un parcours héroïque

 

L’abbé Louis-Édouard Cestac est ordonné prêtre, en décembre 1825 (1).

 

Le jour de son ordination, il conclut un pacte avec Marie : « Très sainte Vierge, je vous offre avec mes mains, mon cœur, toute ma personne ». À partir d’avril 1827, il devient le directeur spirituel de sa jeune sœur Élise qui a 16 ans. Nommé vicaire à la cathédrale de Bayonne, l’abbé entre en fonction en août 1831 jusqu’en janvier 1850. Certains auteurs ont dit qu’il avait abandonné les « spéculations philosophiques et théologiques. Non, il se consacre, désormais, à un apostolat plus concret ». À partir de 1833, à la vue de jeunes filles de 11 à 14 ans « vêtues de haillons et un panier sous le bras, ramasse des copeaux dans les chantiers des charpentiers, des os dans les campagnes, exposées à tous les dangers et à tous les malheurs », il forme le dessein de se charger de ces enfants. Il décrit à François Balasque, maire de Bayonne, la situation de ces orphelines de père ou mère « pieds ou jambes nus, vêtus de lambeaux sales et dégoûtants » destinées à une précoce prostitution. Il leur trouve une chambre pour les accueillir au Grand-Paradis. Ces orphelines de Marie recevront une première instruction religieuse et profane pour une réinsertion dans la société. Pour les plus grandes « Pénitentes », il les établira à Anglet. Elles auront des activités maraîchères et agricoles et le blanchissage du linge de la garnison de Bayonne. Il achète la grande maison Chateauneuf pour 38000 F qui s’intitulera Notre-Dame du Refuge, dès 1839. Débuts et vie matérielle difficiles. La misère populaire est tragique, les entrées se multiplient. Il n’a pas de visions de la sainte Vierge mais « des appels intérieurs » impérieux. Le bon Père est un administrateur incomparable du domaine agricole. Ses voyages professionnels, ses relations avec les Servantes de Marie, les évêques, le couple impérial, ses lettres aux plus humbles, témoignent d’un parcours héroïque. Bilan de l’abbé mort en 1868 : 900 Servantes de Marie, 150 maisons (écoles, orphelinats) dans plusieurs départements, en Espagne. Un récit poignant, puissant.

 

(1) « Louis-Édouard Cestac » - Yves Chiron - Biographie - Éditions Artège - avril 2012 - 18,90 €.

 

 

Pierre-Marie Théas, l'évêque résistant

 

« Si Pierre-Marie Théas n’a pas été un partisan de la collaboration avec l’Allemagne, ni un adepte des doctrines fascisantes - étrangères ou françaises - il a par contre fait totalement confiance au maréchal Pétain, a applaudi à la plupart des mesures prises par le gouvernement de Vichy et les a activement soutenues » (1).

 

À partir de 1942, les Français se détachent progressivement de ce gouvernement mais restent fidèles au régime et à son fondateur. L’été 1942, le haut clergé est choqué par les mesures qui frappent les juifs. L’Assemblée des cardinaux et archevêques fait parvenir à Pétain une déclaration demandant que « soient respectées les exigences de la justice et les droits de la charité ». Le 23 août 1942, la lettre épiscopale de Jules-Géraud Saliège, archevêque de Toulouse, amplifie l’écho de la déclaration. Profondément influencé par ce prélat métropolitain, le Béarnais Pierre-Marie Théas adopte son style « incisif et presque brutal ».
 
Le 26, l’Évêque de Montauban, proteste, à son tour, contre la déportation des juifs dans une lettre aux termes forts et sans ambiguïté « Des scènes douloureuses et parfois horribles se déroulent en France, sans que la France en soit responsable. A Paris, par dizaines de milliers, des juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie… Des familles sont disloquées, des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue… Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu… Les mesures antisémitiques actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille ». Cette lettre retentissante est lue, le dimanche 30 août 1942, dans toutes les églises et chapelles du diocèse de Montauban.
 
Le 24 août, 84 juifs Allemands et Autrichiens ont été conduits en gare de Caussade, à destination de Drancy. Le 26, de vastes rafles de juifs ont été lancées par le gouvernement de Vichy, à Montauban et dans le département du Tarn-et-Garonne. Mgr Théas proteste et organise le camouflage d’enfants et d’adultes juifs dans les couvents du diocèse et chez les particuliers. Les religieuses du pensionnat Jeanne d’Arc des Dames Noires cachent des jeunes filles dont l’une deviendra célèbre : Juliette Gréco. La famille Cohn-Bendit est abritée dans une ferme montalbanaise. Mgr Théas signe des dizaines de faux certificats de baptême aidé par des militants laïcs, des ecclésiastiques et les admirables Sœurs de l’Ange Gardien, du Refuge, des Dames Noires de Saint-Maur, du couvent de Grisolles et les Bénédictines de Mas-Grenier. Sa collaboratrice, Marie-Rose Gineste, joue un rôle décisif en liaison avec la résistance toulousaine.
 
Arrêté le 9 juin 1944, Mgr est conduit à la prison Saint-Michel puis au Front Stalag 122 de Compiègne. Il sera libéré le 24 août 1944.

(1) « Monseigneur Théas, évêque de Montauban, Les Juifs, Les Justes » - Sous la direction de François Drouin et Philippe Joutard - Editions Privat - mai 2004.

 

Abbaye "Notre-Dame de l'Espérance" de Tarasteix

 

Le désert de Bigorre

 

Plus exactement, le saint désert. L'été dernier, j'ai fait le guide pour des amis et me suis rendu à Notre-Dame de l'Espérance, à .. L'endroit mérite bien sa qualification. Quel endroit délicieux : surélevé, silencieux, végétal. Propice au retour sur soi, à la méditation, à l'élévation de l'esprit.

 

Quelque étourdi qui quitterait brutalement une émission de la "Star'Ac" pour se retrouver plongé dans l'épais silence du cloître des Carmes, risquerait, à coup sûr, l'infarctus. Grave. Le père Mercier a eu l'extrême gentillesse de nous commenter les lieux et expliquer le pourquoi d'un désert, là. L'idée vient d'un saint homme, oublié et peu invoqué aujourd'hui : le curé d'Ars. Au père Herman Cohen converti par l'Eucharistie et fervent de la Vierge Marie, remarquable pianiste, élève de Liszt, qui lui manifeste son désir de s'ensevelir dans un désert, près de Lourdes, le bon curé lui répond : "Fondez plutôt votre saint désert, il s'y fera beaucoup de bien".

 

Le saint désert a été fondé, puis oublié pendant cent ans, dégradé, ruiné, victime des vandalismes ordinaires et d'un abandon général qu'il ne mérite pas. Pourtant le site est protecteur, le silence réparateur et le désert… accueillant.

 

Chronique du 18 juin 2007 - Claude Larronde.

 

Sœur Marguerite Rutan

 

Le 9 avril 1794, jour de la Passion, sœur Marguerite Rutan, Fille de la Charité de Saint-Vincent de Paul, est exécutée, place Poyanne à Dax (1).

 

L’auteur, dans son avant-propos, affirme que «la Supérieure de l’hôpital Saint-Eutrope a vécu, en ces heures tragiques de la Révolution Française, un véritable martyr». C’est la raison pour laquelle sa béatification a eu lieu le 19 juin 2011. En l’automne 1789, les sœurs de la Charité «s’apprêtent, comme chaque matin, à soigner les malades, les soldats blessés et à réconforter les pauvres taraudés par la faim». Elles distribuent le pain et le vin. Depuis l’âge de 18 ans, la Supérieure de Saint-Eutrope a voué sa vie aux plus démunis. En 1688, elle est à Pau, dans l’hôpital créé par le landais Saint-Vincent de Paul, en 1617. Les bataillons de misérables rongés par la maladie affluent. En juillet 1790, l’Évêque Laneufville refuse de signer la Constitution civile du clergé et s’exile. En septembre 1791, la Supérieure est l’objet de fausses accusations. Le 3 juin 1792, les sœurs de Saint-Vincent entrent en dissidence en n’assistant pas à l’office. Le bruit court qu’elles abandonneraient Dax. Une vague d’indignation parcourt la ville. En septembre, «l’intraitable» Pierre Dartigoeyte, s’installe. Le 26 octobre 1793, un Comité de Surveillance se met en place composé d’illettrés et d’étrangers à la commune. Marguerite Rutan accueille et soigne Raoux, soldat de l’armée des Pyrénées, très mal en point. Guéri, il offre une sérénade musicale, en remerciement. Accusée de «plaisir» coupable, la Supérieure est conduite à la prison des Carmes et les sœurs dispersées. Le 15 janvier 1794, elle est condamnée. Les Dartigoeyte et Monestier du Puy de Dôme seront impitoyables : une vingtaine de dacquois sont exécutés. Le 9 avril, Marguerite Rutan et l’abbé Lannelongue montent à l’échafaud. Un récit émouvant.

 

(1) "Marguerite Rutan et la Terreur dans les Landes" - Bertrand Lucq - Éditions Gascogne - avril 2011 - 12 €.

 
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© Claude Larronde