Le Canal du Midi

 

 

Un canal fabuleux

 

Lorsqu'on a lu cet ouvrage, on comprend pourquoi le Canal du Midi est considéré comme l'une des merveilles du patrimoine mondial (1).

 

Il fallait éviter le passage par Gibraltar, favoriser les ports de la Méditerranée pour le négoce européen et offrir à Louis XIV "un supplément de fortune et de prestige". Riquet s'installera à Revel, au pied de la Montagne noire, et cherchera patiemment le moyen de capter suffisamment d'eau pour alimenter ce canal. Le génial créateur aménagera le site de Naurouze pour le partage des eaux qui couleront vers Toulouse et vers Sète. Il entaillera la montagne pour installer son lit et créera des escaliers d'eau - écluses en échelle - pour combler les 189 mètres du dénivelé entre Naurouze et le versant méditerranéen. Le Roi demandera à Colbert des garanties sur la faisabilité de ces gigantesques chantiers car Riquet n'est pas homme de cour. Représenté à Versailles par le chevalier de Clerville, intendant du Roi, il n'aura de cesse de différer, avec diplomatie, les suggestions intéressées de cet homme envieux et profiteur. Sous fermier des gabelles pour la province du Languedoc, il amassera une fortune qui servira au financement d'une partie des travaux. Commencé en 1662, le canal du Languedoc sera terminé en 1681. Pierre-Paul Riquet mourra à 71 ans, lourdement endetté, le 1er octobre 1680, à quatre kilomètres du but ! Il faudra le génie de Vauban pour terminer l'ouvrage. Bilan : 126 ponts, 55 aqueducs, 6 barrages, 7 ponts-canaux, 64 écluses et le fief légué par Riquet : maisons éclusières, bureaux, auberges, écuries, entrepôts, magasins, moulins, fours, lavoirs, glacières, barques de transport, chevaux, chemins de halage, ports, etc. Superbement illustré, je recommande vivement cet ouvrage comme cadeau de fin d'année.

 

(1) « Le Canal du Midi » - Texte : Corinne Labat, photos : Guy Jungblut, aquarelles : Robert Fuggetta - Éditions Empreinte - septembre 2008 - 42 €.

 

Le canal du Midi

 

L’actualisation de l’ouvrage « Le Canal du Midi », paru en 2012, est absolument réussie. Pour les textes, quatre auteurs architecte, professeurs, historiens du sujet + un photographe aux images sublimes qui justifient pleinement le classement du chef-d’œuvre liquide à l’UNESCO, en 1996 (1).

 

Trois parties : l’histoire du canal du Midi qui précise les personnages, les dates et lieux, anciennes photos et beaux dessins en couleur tirés des Archives du Canal; le canal du Midi, une œuvre de génie civil conquise par la nature ; le Canal, entre économie et culture. Ouvert par Pierre Paul Riquet en 14 ans (1667-1681), les ultimes évolutions se firent en 1975. Aujourd’hui, 300 personnes y sont employées par Voies navigables de France. Au début des travaux, 2000 travailleurs. L’effectif grimpera jusqu’à 12000 « têtes » hommes et femmes. Pour le salaire, un homme = trois femmes, soit 10 livres/mois. Les détails techniques foisonnent et expliquent l’engouement de Colbert et Vauban pour ce chantier « romain » ! Une centaine d’écluses de 30,50 m avec des parois latérales (bajoyers) ovales, des aqueducs, ponts-canaux, ponts-viaducs, épanchoirs, déversoirs, maisons éclusières, de l’ingénieur, du contrôleur et du receveur, de Toulouse à l’étang de Thau (240 km). Pour un coût de 17 millions de Livres dont 2 au compte de Riquet qui mourra ruiné et ses descendants : Caraman et Bonrepos. En 1792, l’État exproprie les premiers qui émigrent. En 1808, Napoléon Ier vend les parts de l’État et les Bonrepos en retrouveront le tiers. À la fin du XVIIIe « les glaïeuls et iris au ras de l’eau, sur les berges et peupliers sur les francs-bords sont les marqueurs du Canal ». Puis on planta des acacias, ormes pour le bois, oliviers, frênes, saules et mûriers pour les vers à soie. Des chênes aussi et le platane, sur Toulouse, dès 1764. Véritables cathédrales végétales atteintes par le chancre coloré, les platanes ont dû être abattus en 2011. Un beau livre album qu’il faut lire et relire.

 

(1) «Le canal du Midi, patrimoine culturel, patrimoine naturel» - Robert Marconis, Jean-Loup Marfaing, Jean-Christophe Sanchez, Samuel Vannier, photos Julien Gieules - Éditions Loubatières - mars 2016 - 29 €.

 

Une voie royale

 

De Toulouse à la Méditerranée, le canal du génial Pierre-Paul Riquet, baron de Bonrepos, né à Béziers en 1609, se révèle et se dévoile dans ce carnet de voyage (1).

 

Tout au long d'un fil d'argent qui miroite dès la prise d'eau, à Alzeau, il darde ses reflets économiques sur Revel-Saint-Ferréol, Castelnaudary, Carcassonne, Narbonne et Agde. C'est un vrai plaisir que de déguster ce récit de voyage poétique, assis sur un véhicule historique solide comme les écluses, les quais et les ports qui jalonnent sa trajectoire. Bien sûr, les docks de Saint-Étienne ne grouillent plus de marchands pastelliers ou grainetiers comme antan, mais ils invitent au départ. Fermier général du Languedoc et de Cerdagne, Pierre-Paul Riquet écrit d'un ton péremptoire au grand Colbert, en 1662, pour affirmer que ce serait un commerce juteux pour le Roi soleil que ce canal qui relierait l'Atlantique à la mer de Narbonne. Quel culot ! L'ingénieur intrépide croulera sous les moqueries : "Trop cher, trop fou" ce projet pharaonique d'un terrien même pas noble ! Colbert se renseigne sur le sérieux de l'homme, l'architecture proposée, les calculs et les dessins pour abaisser l'eau, la remonter, l'insinuer ou la disperser en cas de méchantes crues. Il persuade Louis XIV de lui reconnaître quartiers de noblesse, de lui octroyer "justice haute, moyenne basse et mixte" et aussi les "châteaux, maisons, magasins et moulins" qui appartiendront à ce fief, donc à "l'entrepreneur". Vauban sera admiratif. De Toulouse à Marseillan, que de communautés nées au bord des berges complantées de platanes, que de métiers inconnus par ici, que de vie et de solidarité entre les hommes des voies navigables de France. Le pastel qui fera vivre cultivateurs, meuniers et transporteurs, laissera bientôt sa place aux plaisanciers venus de toute l'Europe. Cet ouvrage, magnifiquement illustré, est un somptueux cadeau de fin d'année.

 

(1) "Canal du Midi - Voie royale entre Toulouse et Méditerranée" - Textes Clément Debeir - Dessins Sophie Binder - Editions Privat - septembre 2010 - 32 €.

 

Pierre Paul Riquet - Portrait intime

 

Deux chroniques sur le Canal du Midi : le 17/10/2008, puis le 20/11/2010; deux visions sur la construction du grand canal reliant l’Atlantique à la Méditerranée. Aujourd’hui, il s’agit de découvrir l’intimité du génial constructeur (1).

 

L’ouvrage est sérieux, à l’abri du moindre reproche historique. L’auteur a eu l’élégance de faire préfacer son travail par deux spécialistes reconnus : Guy Vallery-Radot, président de l’association « Riquet et son canal » et Michel Adgé, docteur en histoire. Mireille Oblin-Brière s’est lancée à corps perdu dans le labeur pour répondre à la question : « Que sait-on de l’intimité du personnage, de sa vie familiale, personnelle, de son caractère, de sa manière de vivre, de ses états d’âme ? Rien ou si peu en dehors de faits non vérifiables, de récits romancés » répond-elle. Découpé en tranches chronologiques, l’ouvrage nous entraîne dans un réponse précise, argumentée à l’extrême. Pierre « Pol » Riquet est d’origine italienne. La descendance de Pierre Arrigheti prend pied à Béziers. Un père rusé, peu scrupuleux, mais le siècle est peu regardant, homme d’affaires-banquier, spéculateur sur les trafics de céréales, à Béziers. On ignore toujours le lieu de naissance de Pierre « Pol », fils de Guillaume Riquet et Guillemette de Vial. On découvre qu’il fit ses premières armes à Mirepoix - Ariège - pour y exercer le métier de gabelou dans le commerce du sel, pendant 48 ans. Il décroche tous les grades de l’Administration des Gabelles. Cela lui permet de sillonner le pays, de Toulouse à Béziers, et de reprendre l’idée qu’une voie liquide directe permettrait à la France d’éviter aux marchandises le détour par Gibraltar, de ne plus être rançonné par les pirates espagnols et de diriger les nombreuses taxes dues au royaume espagnol vers le trésor royal de Louis XIV et de son ministre Colbert avec qui Pierre Paul Riquet aura une foisonnante correspondance. Le génie des eaux du « Canal du Languedoc », qualifié par le Roi de « chantier européen », est à présent beaucoup mieux connu. Passionnant, il faut lire ce magnifique ouvrage et le garder.

  1. «Riquet le génie des eaux» de Mireille Oblin-Brière - 528 pages - avril 2003 - Editions Privat - 22 €.

 

Le dernier grand canal du Sud-Ouest

 

Au début du XIXe siècle, la Garonne n’offre pas des conditions favorables à la navigation (1).

 

Seules, les embarcations légères peuvent utiliser le fleuve entre Toulouse et Bordeaux. Périodes d’étiage parfois trop longues, crues dévastatrices, bateaux ensablés, trop d’aléas pour un pilotage régulier. Les auteurs nous plongent au cœur d’un pari insensé : ouvrir un canal latéral au fleuve Garonne entre Toulouse et Castets-en-Dorthe (Gironde) afin de prolonger le canal du Midi, chef-d’œuvre de Pierre-Paul Riquet. La réalisation sera effective entre 1830 et 1856. Je félicite les trois chercheurs et historiens pour nous avoir rendu facile la compréhension du projet. Selon l’adage : «Un dessin vaut mieux qu’une longue discussion», les plans d’archives en couleur nous remettent en tête les prouesses réalisées pour passer de rive droite en rive gauche de Garonne, bâtir un pont-canal qui enjamberait le fleuve et qui céderait un peu de place à une ligne de chemin de fer naissante et concurrentielle des bateliers, en 1841.

 

Véritable prouesse architecturale, le pont-canal d’Agen, est un ouvrage majeur long de 539 m, large de 12,48 m et profond de 2,70 m. La construction est lancée, le 25 août 1839, en présence du Duc d’Orléans. Bouleversement du métier de marinier, le fleuve ne fourmillera plus de radeaux ou cardines jusqu’aux mascalets de 30 tonneaux mais l’uniformisation sera de mise par le choix de la sapine, grand et gros bateau adapté aux écluses du canal ou du petit coutrillon à l’étrave pointue. Le marinier débarque ou embarque, seul, les marchandises, à la brouette ou sur une planche. Les plus lourdes sont hélées avec une «chèvre», ancêtre de la grue. À raison de 25 km par jour - 3 km/h - 8 jours seront nécessaires pour relier Castets à Toulouse - 194 km. Le canal sera donné en concession à la Compagnie du chemin de fer du Midi, en 1858, puis entrera dans le giron de l’État, en 1898. Un très beau livre à s’offrir et à offrir.

 

(1) « Le canal latéral à la Garonne - Regards sur un patrimoine » - Textes de Charles Daney, Jacques Dubourg, Jean-Loup Marfaing - Éditions Loubatières - juillet 2010 - 29 €.

 
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© Claude Larronde